Paris est KO
Les Jeux sont faits et la fête de 2012 ne sera pas pour Paris mais pour Londres. Ainsi en ont décidé mercredi les membres du CIO à Singapour. Malgré un dossier sans faille, jugé impeccable par le Comité d'évaluation, un soutien unanime des Français, du monde politique et économique et une délégation ultra-motivée présente à Singapour pour procéder au dernier exposé, il a encore manqué quelque chose. Après les échecs pour les JO de 1992 et de 2008, cette troisième défaite, la plus dure à digérer, est sans doute plus celle de la France que celle de Paris.
L'implication de Chirac n'aura pas suffi à convaincre le CIO.
Paris et ses supporters sont sous le choc. Abasourdis. La déception est immense, à la hauteur des espoirs suscités par un projet dans lequel tous les Français s'étaient reconnus. Un projet qui faisait l'unanimité depuis la France d'en bas jusque dans les cercles du pouvoir politique et économique. Un projet qui devait redonner de l'élan à la France embourbée, depuis le 29 mai dernier et le non à la Constitution européenne, dans un blues profond avec des difficultés économiques et un chômage de masse qui semblent plomber l'avenir du pays.
Après les échecs de 1992 et de 2008, Paris avait révisé sa copie et le concept mis sur pied pour 2012 était particulièrement solide et reconnu comme tel par tous les observateurs, au premier rangs desquels les membres du Comité d'évaluation du CIO, auteurs d'un rapport très élogieux. Sur cette base, purement technique certes, Paris 2012 semblait légèrement en avance et c'est donc avec confiance et un certain optimisme que la décision finale était attendue. On ne pourra pas taxer les tenants du projet d'arrogance car ils se sont appliqués depuis plusieurs semaines à refuser l'étiquette de favori qui leur a été trop vite accolée. Mais sur la foi du travail réalisé, de l'enthousiasme général, des expériences réussies par Paris en termes d'organisations de grands événements sportifs ces dernières années, il y avait des raisons d'y croire.
Etrange arithmétique
Sauf que les notions de rationnel et de logique n'ont pas vraiment leur place à l'heure où les membres du CIO sont appelés à se prononcer. Une fois de plus, Paris en a fait l'amère expérience. Et l'on cherche maintenant à comprendre. Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ? A défaut de pouvoir pénétrer dans l'intimité de la 117e session du CIO et d'un vote à bulletin secret, on ne pourra s'en tenir qu'à des hypothèses.
L'affaire Guy Drut, membre du CIO soupçonné d'avoir occupé un emploi fictif dans le cadre du procès des marchés publics d'Ile-de-France et sous la menace d'une peine de 18 mois d'emprisonnement, n'a évidemment pas été un bon point pour Paris 2012. Mais sans doute pas au point d'influer sur le verdict. Pas plus que le seul petit point faible relevé dans le dossier à savoir la capacité hôtelière de luxe légèrement insuffisante. Non, c'est au-delà de ces considérations que s'est joué le choix de la ville hôte. Toute élection à plusieurs tours repose sur une étrange arithmétique avec un report des voix qui n'obéit pas toujours aux logiques imaginées. On repense ainsi à cette rumeur persistante, quelques jours avant la date fatidique, qui faisait état d'un pacte secret entre Londres, Madrid et New York pour faire échec à Paris. Invérifiable mais... Comment également ne pas s'interroger sur la portée qu'ont pu avoir les propos de deux consultants du projet londonien au sujet du stade de France et de ses soi-disant lacunes ? Les coups bas, dans les derniers jours avant le vote, se sont multipliés et Paris, favori supposé, en a souvent été la cible...
Spirale de la défaite
Si la France a obtenu, fin juin, l'implantation à Cadarache, dans les Bouches du Rhône, du réacteur thermonucléaire expérimental Iter, c'est bien la seule bonne nouvelle qui aura éclairé le pays ces dernières semaines. Depuis le 29 mai, une chape de plomb semble en effet peser sur la France, un marasme largement perçu à l'étranger. Le contexte politique est ainsi plutôt défavorable et la France semble prise dans une spirale de la défaite incarnée, aux yeux du monde, par Jacques Chirac. Un Jacques Chirac, dont les positions géopolitiques prises ces dernières années, peuvent également avoir pesé sur le choix de certains membres du CIO, notamment ceux originaires du pays du Commonwealth. Difficile de quantifier l'influence naturelle de la France, mais difficile de nier que celle-ci ait pu être altérée au gré des récents événements internationaux... A contrario, Tony Blair, le vent en poupe, a pu faire profiter Londres de son actuelle popularité, sans oublier que l'annulation de la dette des pays du tiers-monde, qui lui est imputée certes par un raccourci un peu voyant, a pu faire basculer le choix de certains membres du CIO, en particulier africains d'ordinaire favorables à la France. Ainsi plus que Paris 2012, c'est plus largement la France qui pourrait avoir été retoquée par le CIO.
Dans ce contexte compliqué, le travail de lobbying exercé par la France et les tenants de Paris 2012, pour convaincre du bien-fondé du projet parisien, a-t-il été suffisant ? Encore une fois, il est quasiment impossible de mesurer cette activité de l'ombre devenue néanmoins une arme déterminante dans la compétition olympique. Les Américains et les Britanniques sont réputés pour leur habileté dans cet exercice, qu'en a-t-il été des Français ?
Quoi qu'il en soit, Paris 2012 n'a pas emporté l'adhésion du CIO. La France et les Français ont perdu et la dépression qui pourrait s'en suivre dans l'Hexagone risque d'être sérieuse. Directeur général adjoint du GIP Paris 2012, Essar Gabriel, s'il y a bien sûr cru jusqu'au bout, avait envisagé une issue malheureuse. "Si nous avons le sentiment d'avoir fait le maximum, alors que ce soit la victoire ou la défaite, on le vivra au mieux.", avait-il expliqué. A son exemple, il faudra relever la tête et repartir pourquoi pas vers une nouvelle compétition, un nouveau défi...
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